Une musulmane raconte sa naissance à Auschwitz
Leïla Jabbarine, née Helen Brashatsky, et son mari
Ahmad Jabbarine. Ses 8 enfants et 31 petits-enfants membres de la
minorité arabe d'Israël, à Oum el-Fahem, ignoraient que leur mère était
née à Auschwitz.
Protégée par un médecin du camp, Leïla Jabbarine, née de parents
juifs, avait pu immigrer en Israël avant de se convertir à l'islam. Elle
a attendu aujourd'hui pour dévoiler son lourd secret.
Alors qu'Israël commémorait jeudi le souvenir des victimes de
l'Holocauste, un témoignage inédit et plein d'espoir d'une rescapée
refait surface. L'Agence France Presse a recueilli les confidences de Leïla Jabbarine. La vie de cette Israélienne de 70 ans est digne d'un roman. Née à Auschwitz,
protégée par un médecin du camp, elle a immigré en Palestine où elle a
épousé un Arabe israélien avant d'embrasser l'islam. Si ses huit enfants
et trente et un petits-enfants savaient qu'elle était d'origine juive
et s'était convertie, ils ignoraient que Leila avait connu la Shoah
et y avait survécu. La veille dame a tu jusqu'à cette semaine le secret
de ses origines. S'il sort au grand jour, c'est grâce à un employé des
services sociaux israéliens qui rendant visite à Leïla lui a posé des
questions sur son passé.
Sa mère hongroise et son père d'origine
russe vivaient en Yougoslavie quand ils ont été déportés avec leur deux
fils à Auschwitz en Pologne, en 1941, a raconté Leïla à l'AFP dans un
mélange d'hébreu et d'arabe. La mère de Leïla est alors enceinte. Un
médecin chrétien travaillant dans le camp de concentration l'aide à
accoucher. Il dissimule Leïla, que ses parents prénomment Helen, dans
des serviettes de bain et la ramène chez lui. Le praticien prend sous sa
protection la famille. Il les cache chez lui, dans le sous-sol de sa
maison à l'intérieur du camp, et emploie la mère de Leïla comme employée
de maison et son père comme jardinier. La famille se nourrit de pain
sec trempé dans de l'eau chaude et du sel. «Nous ne sommes jamais allés
dehors, pas de soleil, pas d'air frais. Chaque soir, ma mère nous
racontait comment les nazis tuaient les enfants et comment ce médecin
nous avait sauvés», se remémore Leïla. «Je me souviens des pyjamas rayés
noir et blanc et des terribles passages à tabac dans le camp», confie
la septuagénaire.
Sa mère lui conseille de se convertir à l'islam
La
libération d'Auschwitz sonne la fin de la vie clandestine en 1945 pour
la famille Brashatsky. Trois ans plus tard, elle émigre dans ce qui est
encore la Palestine sous mandat britannique. Les Brashatsky sont
installés dans un camp d'immigrants. Quelques mois plus tard, l'État
d'Israël est créé. En 1950, la famille emménage à Ramat Gan, près de
Tel-Aviv. Adolescente, Helen tombe amoureuse d'un jeune Arabe israélien,
Ahmad Jabbarine, un ouvrier en bâtiment rencontré par hasard alors
qu'il travaille sur un chantier près du domicile familial. À 17 ans,
elle se sauve avec lui à Oum el-Fahem et le couple se marie, au grand
dam de la famille d'Helen. Les deux premières années, la police
israélienne vient régulièrement chercher la jeune femme pour la ramener à
Ramat Gan mais celle qui n'est pas encore Leïla ne cesse de revenir
chez son mari.
Après deux ans de brouille, Leïla se réconcilie
avec sa famille. C'est même sa mère qui lui suggère de se convertir à
l'Islam pour que la fille de Leïla ne soit pas astreinte au service
militaire, obligatoire en Israël pour les hommes et les femmes. Jusqu'à
la mort de sa mère, il y a plus de vingt ans, Leïla passe chaque année,
avec tous ses enfants, le repas traditionnel de la Pâque juive en
compagnie de ses parents. Mais les Brashatsky n'évoqueront jamais
Auschwitz.
«Pendant 52 ans j'ai caché à mes enfants et
petits-enfants, ma naissance à Auschwitz et ne leur ai pas parlé de ce
passé douloureux. J'attendais le moment pour le faire», explique Leïla
Jabbarine. Sa révélation a été un profond choc pour ses proches mais
elle a aussi répondu à nombre de leurs interrogations. «Maman pleurait
toujours lors des cérémonies du jour de la Shoah en regardant la
télévision israélienne», a déclaré son fils Nasser. «Nous n'avions
jamais compris pourquoi. On s'éclipsait pour la laisser tranquille,
seule à la maison. Maintenant, on la comprend un peu mieux.»
(Avec AFP)
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