De l’UPM au Sahel, ou « les identités meurtrières de l’Algérie ».
Zineb Azouz
A la suite du grand incendie de Rome en 64, Néron qui fût désigné par
la rumeur populaire accusa à son tour une classe d’hommes abominés et
que l’on nommait vulgairement les chrétiens, ces hommes qui ne croyaient
ni à la légitimité de Néron ni à celle de ses divinités furent
pourchassés et horriblement suppliciés. C’est ainsi qu’une loi
interdisant carrément les chrétiens fût instituée par l’empereur Néron
(l’institutum neronianum) alors que c’est le sénat de l’époque, seul,
qui avait pour prérogatives de promulguer des lois sur les associations.
On sait aujourd’hui à propos de ce cas d’école de manipulations, qu’il
n’y a aucune preuve de l’implication du sanguinaire Néron dans cet
incendie qui ravagea Rome pendant près de six jours laissant environ 25%
de la population sans abri, on ne saura même jamais si cet incendie est
juste caniculaire ou criminel, par contre on sait à quel point
« l’institutum neronianum » se retourna un jour contre le capitole de
Rome.
Il est en effet plus utile et même plus facile de nos jours de décrypter
les mécanismes des mensonges, des passe-droits, des complots et des
chats gris, en passant par Néron que par les places boursières du « bon
sens » et du politiquement correct.
Pourtant il suffit parfois de faire appel à des rudiments de géographie,
voire même d’élémentaires tracés de pipe-line, de photos satellites
notoires de richesses enfouies ou de simples relevés de transferts de
fonds pour se rendre compte que comme, Néron, nos actions ne sont en fin
de compte que des réactions à des embrasements qui nous échappent.
L’embrasement du Sahel, amazigh-land ou charia-land ?
L’Algérie que l’on cherchait à tout prix voir activer dans les eaux
bleues de l’UPM si chère à Sarkozy, se retrouve depuis peu rattrapée ou
lestée par son amazighité, mais son amazighité version hommes bleus du
sud, les amazigh aux yeux bleus du nord ayant fait leurs temps.
Cette amazighité d’une grande partie du Sahel ne semblait jusque là
intéresser que quelques berbéristes à la recherche du grand
Amazigh-land, mais des berbéristes Algériens davantage et dont le ou les
sites relatent de plus en plus les exactions subies par les Touaregs en
Libye, au Mali et ailleurs.
Côté occidental on n’évoquait cette zone grise que pour parler de l’AQMI
et des enlèvements de touristes par ces bandits du désert tantôt
présentés comme des raquetteurs, tantôt comme des mercenaires formés par
Kadafi, tantôt des déserteurs de l’armée « convertis » par le GIA et le
plus souvent comme des plénipotentiaires d’El Quaida et ayant pout
mission bien sûr de mener le Jihad islamique en vue de construire, au
Sahel, j’imagine la charia-land. On ne jugeait d’ailleurs jamais utile
de dire si ces Jihadistes étaient des arabes ou des berbères, tant il
est évident que le terrorisme est une force supra-nationale et que le
berbère, présenté en occident comme le blanc laïque est une victime du
barbu arabe.
Autant de clichés très utiles, surtout qu’au Sahel presque tous les
hommes se couvrent le visage, avec cet accoutrement inévitable au
désert, il est en effet très difficile de reconnaître le barbu du
berbère, du blanc ou du noir. Toutes les identités deviennent alors
meurtrières.
Donc jusque là on savait, et pour le grand bonheur des théoriciens du
discours sécuritaire, que l’AQMI sévissait au Sahel et menaçait plus
d’un pays (on avait juste remarqué que ces Jihadistes n’avaient pas été
trop encombrants pendant la guerre sainte de l’OTAN en Libye), pourtant
l’embrasement du nord du Mali, et du moins officiellement, n’est
essentiellement dû qu’au mouvement de libération de l’Azawad, un
mouvement qui n’est pas né hier, et dont les acteurs sont des Touaregs.
Les militaires putschistes n’ont eu de cesse de rappeler qu’ils ne sont
motivés que par l’unité nationale menacée par les indépendantistes
Azwadis. Au-delà des discours, il y a lieu de rappeler encore une fois
que les populations déjà accablés se retrouvent encore une fois les
otages de guerres, de vendetta, d’exodes et de drames humanitaires en
tout genre.
Et c’est là qu’encore une fois, El Quaida apparaît sur la scène avec une
identité clairement « Targui » cette fois-ci et voulant bien sûr avant
tout imposer au nord du Mali la Charia, alors que les indépendantistes
Azawadis se disent laïques.
Pendant les événements de Libye, l’entité et l’identité des berbères de
Nefoussa ont été exploitées par les opposants de Kadafi qui n’ont eu de
cesse de rappeler par exemple que les habitants de cette région
n’avaient même pas le droit de parler ou de chanter dans leur langue,
mais cette sympathie n’aura duré qu’un temps et on sait depuis avec
quelle cruauté les Touaregs de Sebha sont bombardés ; c’est dire à quel
point la question de l’amazighité placée dans les grandes stratégies
n’est utile que dans un seul sens.
Les extorsions de vote sous le ciel de l’AQMI Tamazight.
Quel casse-tête pour nos gouvernants qui doivent jongler entre
l’obligation diplomatique de défendre l’intégrité territoriale du Mali,
l’obligation morale et « identitaire » de ne pas lâcher les Touaregs,
nos frères Amazighs, et l’obligation endémique de dénoncer bien
évidement El Quaida pour appeler en renfort qui de droit, entretenir de
fait un rôle beaucoup plus sympathique dans le monde des civilisés et
surfer dans le statu quo de ceux qui gèrent par procuration, au jour le
jour, sans objectif autre que de se maintenir en place.
Si le Sahel est déstabilisé par des revendications identitaires
historiques liées à l’amazighité d’une grande partie de ce territoire et
au droit légitimé d’un peuple séculaire à s’émanciper de la misère et
de tous les jougs, l’Algérie ne pourra pas se contenter de singer trop
longtemps le discours diplomatique Français qui ne consiste qu’à
rappeler les principes de la sacralité des frontières des pays
Africains, héritage des colonisations.
Notre premier ministre en campagne à Tamanrasset est venu rappeler
l’unité territoriale, culturelle et cultuelle du pays, les dangers de
l’AQMI et démentir par la même occasion l’appel des « tribus » de
Tamanrasset au Boycott, la boucle est bouclée !
Vous l’aurez remarqué, par ici on ne parle pas de Arouch, mais de
Tribus, sans trop oser rentrer dans les détails ni même prononcer le mot
« touareg », Ouyahia qui connaît pourtant bien la région sait qu’il y a
tribu et tribu, il y a les Imajaghan et il y a les Bellas, il y a
surtout que les Touregs qui sont en réalité éparpillés sur au moins cinq
pays sont présentés aujourd’hui comme des indépendantistes armés en
passe d’être dominés par l’AQMI et « d’offrir » un territoire islamique
au cœur du Sahel ; Un croquis dangereux qui pourrait attiser les
appétences et les revanches de plus d’un fou.
Printemps, Rabiie ou Tafsut : La tartuferie multinationale et multilingue.
La communauté internationale qui dit encourager les printemps arabes et
la grogne des grandes capitales de cette région ne peut plus continuer à
se moquer des douleurs de ceux qui sont loin des grandes métropoles et
des stratégies rentables en encourageant sans pudeur les
affranchissements des peuples sur fond confessionnel et identitaire
quand le processus est dirigé contre le chiisme Iranien et en fermant
les yeux sur les supplices d’ailleurs en leur greffant à chaque fois
cette bouture meurtrière, cousue de fil blanc et répondant au nom de
l’AQMI ou de l’El Quaida.
Ces peuples oubliés par l’histoire et les caméras, ces nomades affamés
et spoliés qui ont hérité des frontières du saucissonnage de l’Afrique
par les ex-colonies, souffrent aujourd’hui, toute confession, toute
langue et toute identité confondues, comme tous les peuples d’Afrique et
du tiers monde arabe d’abord et avant tout des régimes illégitimes, des
répressions chroniques, des dictatures et de l’absence d’espoir. Ils ne
se révoltent pas pour revendiquer une identité mais pour vivre en paix
sous le seul étendard de la justice et de la dignité. Que ce printemps
s’appelle Tafsut ou Rabiie, ses fleurs semblent toujours enfouies sous
des bottes et des RAFFINERIES.
La donne de l’AQMI qui vient se greffer sur des mouvements
indépendantistes change la mise et autorise des moyens radicaux pour
contenir ces territoires, une chance en or pour ceux qui veulent faire
du Sahel le Mirador-land des réserves en or noir.
Encore une fois le terrorisme vient briser les élans des peuples et
leurs aspirations à s’émanciper de la misère, de l’oppression, de la
famine, des tutelles, des bottes et des boots.
Et en Algérie, après nous avoir agité le chantage du « tu votes ou on
appelle l’OTAN », d’autres nous ont servi « Tu votes ou l’AQMI va se
fâcher » et voilà avec ce qui se passe au Mali qu’une autre missive
semble nous être adressée : « tu votes ou on divise le pays » !
Constantine, le 07 Avril 2012.
Zineb Azouz.
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