Le
ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’est fait remarqué par ses
déclarations sur « l’inégalité des civilisations » lors d’un discours
prononcé face à des étudiants de droite de l’UNI (1). Bien évidemment,
cette déclaration visait l’islam et les musulmans que les responsables
politiques se plaisent à piétiner en ces temps de campagne électorale.
La gauche hypocrite, qui au même moment vote une loi pour interdire aux
nourrices musulmanes portant le hijab de travailler, a poussé des cris
d’orfraie en appelant à préserver les « valeurs » de la République.
Pour défendre Claude Guéant, le ministre de l'Economie, François
Baroin, a expliqué que son collègue était « un profond républicain ». Le
ministre de l'Economie a dénoncé une polémique artificielle et insisté
sur le caractère républicain de l’affirmation de Claude Guéant : « De ce
que l’on exploite, dit comme cela, je ne vois pas très bien quel
Républicain peut contester cette position ». Le ministre de l'Economie a
ajouté : « Nous sommes un pays de liberté. Nous sommes dans un Etat de
droit. Les membres de ce gouvernement sont de profonds républicains
comme l’immense majorité des responsables politiques » (2).
Le ministre de l'Economie a parfaitement raison de rappeler le
caractère profondément républicain des propos de Claude Guéant contre
les indignations hypocrites de la gauche. En effet, ces propos
s’inscrivent dans la droite ligne de l’idéologie des fondateurs de la
République française. Le ministre de l’Intérieur s’inscrit pleinement
dans l’héritage d’un Jules Ferry qui n’hésitait pas à déclarer à la
tribune de l’Assemblée nationale en 1885 que « les races supérieures ont
un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les
races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles
ont le devoir de civiliser les races inférieures » (3).
Ces idéaux républicains, Claude Guéant les partage avec des figures
éminentes de l’histoire de la gauche et du socialisme français. Un
républicain et un socialiste comme Jean Jaurès n’hésitait pas à affirmer
en 1903 à propos de la colonisation du Maroc : « La France a d’autant
le droit de prolonger au Maroc son action économique et morale que […]
la civilisation qu’elle représente en Afrique auprès des indigènes est
certainement supérieure à l’état présent du régime marocain » (4). De
même, le très républicain et très socialiste, Léon Blum expliquait dans
un discours à l’Assemblée nationale en 1925 : « Nous admettons qu'il
peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle
les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège
quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues
au même degré de culture et de civilisation » (5).
En parlant de l’inégale valeur des civilisations, Claude Guéant
s’inscrit bien dans la grande tradition de la République française
coloniale et raciste. Le fond du problème n’est donc pas de savoir si
Monsieur Guéant est républicain puisqu’il l’est indéniablement. Le fond
du problème est de bien comprendre que la République française est
intrinsèquement et congénitalement raciste et coloniale. Les propos de
Claude Guéant ne sont que l’énième expression publique de ce racisme et
de ce colonialisme très républicain.
Alors arrêtons de participer à ce bal des hypocrites qui nous force à
nous « indigner » sur commande. Le vrai problème ne se trouve pas dans
les propos fielleux d’un commis d’Etat mais bien dans la colonialité de
la République française. La question fondamentale n’est pas de s’«
indigner » des propos de l’épiphénomène Guéant mais bien celle de la
décolonisation de la République française.
Youssef Girard9 février 2012
Notes de renvoi :
1) Union nationale inter-universitaire.
2) Hamza Assiya, « Baroin : Guéant, « un profond républicain », Europe1, URL :
http://www.europe1.fr/Politique/Baroin-Gueant-un-profond-republicain-934453/3) Jules Ferry, Chambre des députés, 28 juillet 1885.
4) Jean Jaurès, Chambre des députés, 20 novembre 1903.
5) Léon Blum, Chambre des députés, 9 juillet 1925.
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