Bras de fer Occident-Orient - Le sort de la Syrie en question
Chems Eddine CHITOUR
« Quand le vieux lion se meurt, même les chiens ont du courage et lui arrachent les poils de sa moustache. » Proverbe syrien.
Ca y est ! le Conseil de sécurité est arrivé à ses fins celles de
diaboliser la Russie et la Chine pour n’avoir pas voté le départ d’El
Assad. Il a tenté de faire passer en force, les trois ministres des
Affaires étrangères Clinton, Haig, Juppé étaient là pour peser de tous
leur poids soutenant une résolution d’une Ligue arabe fantoche qui a
perdu son âme d’abord en Libye en autorisant les frappes qui se sont
terminées avec la mort d’un dirigeant arabe, le secrétaire général de
l’époque Amr Moussa voulant plaire à l’Occident pour un éventuel retour
d’ascenseur en Egypte...
Même
son de cloche avec toujours l’actuel secrétaire El Arabi encore un
Egyptien, qui impose ni plus ni moins avec les potentats du Golfe
notamment le colosse gazier avec un sabre nain qu’est le Qatar, le
départ d’El Assads ans qu’il y ait une unanimité . Il est curieux de
voter au nom des Arabes contre un pays qui ne fait plus partie de la
Ligue arabe.
D’une façon hystérique tous les médias occidentaux repris en boucle
et d’une façon servile par les médias arabes sans discernement, ont
diabolisé la Russie - ne parlant pas du tout de la Chine qui a aussi mis
son veto - la rendant responsable de la mort des Syriens. Personne ne
fait le bilan de ce qui s’est passé réellement en Libye et pour cause,
l’Occident ne veut rien entendre aux carnages qu’il a faits et fait
faire. On commence à peine à dévoiler ce qui s’est passé en Irak et on
avoue qu’il y eut un million de morts durant l’invasion de l’Occident.
D’ailleurs, des bruits avaient circulé sur le départ d’El Assad pour lui
éviter un scénario à la libyenne et la Turquie se serait proposée pour
l’héberger.
Treize membres ont voté en faveur du texte qui exprimait le soutien
du Conseil de sécurité au plan de la Ligue arabe, adopté - à la hussarde
- le 22 janvier, qui prévoit le départ du pouvoir de Bachar al Assad et
la formation d’un gouvernement d’union nationale avant la tenue
d’élections. Mohammed Loulichki, ambassadeur du Maroc à l’ONU et seul
représentant d’un pays arabe du Conseil de sécurité, a fait part de
« son grand regret et de sa grande déception »... Ban Ki-moon, en mal
d’inspiration déclare que le double veto russe et chinois « amoindrit le
rôle de l’ONU » Qu’a-t-il fait quand les Occidentaux ont vidé de leur
sens la résolution 1973 envahissant de ce fait la Libye ?
Que dit la résolution arabe ?
Curieusement, on apprend que la Ligue arabe a enlevé plusieurs
paragraphes de ses propres observateurs parce qu’ils dénoncent les excès
des groupes terroristes. Nous lisons quelques extraits « omis » :
« Lorsque les observateurs ont été déployés dans les différents
secteurs, ils ont repéré au début de leur mission des actes de violence
commis par les forces gouvernementales et des échanges de tirs avec des
éléments armés à Homs et Hama. « La Mission a observé dans les deux
secteurs de Homs et Hama des actes de violence du fait des groupes armés
contre les forces gouvernementales, qui ont fait des tués et des
blessés parmi les troupes gouvernementales. Dans certaines situations,
les forces gouvernementales ont recours à la violence comme réaction aux
attaques perpétrées contre ses membres. Les observateurs de la mission
ont noté que les groupes armés ont recours aux bombes thermiques et aux
missiles anti-blindage ».(1)
« La Mission a été témoin dans les secteurs de Homs, Idlib et Hama,
des actes de violence contre les troupes gouvernementales et contre les
citoyens entraînant de nombreux décès et blessures. La mission a noté
l’émission de faux rapports émanant de plusieurs parties faisant état de
plusieurs attentats à la bombe et de violence dans certaines régions.
Lorsque les observateurs se sont dirigés vers ces zones pour enquêter,
les données recueillies montrent que ces rapports ne sont pas crédibles.
La mission a noté également, se basant sur les documents et les
rapports émanant des équipes sur le terrain, qu’il y a des exagérations
médiatiques sur la nature et l’ampleur des accidents et des personnes
tuées ou blessées à la suite des événements qui ont eu lieu dans
certaines villes. » (1)
« La ville de Homs a été le témoin de l’assassinat d’un journaliste
français travaillant pour France 2. Il faudrait noter que les rapports
de la Mission de la Ligue arabe à Homs indiquent que le journaliste
français a été tué à la suite des tirs de mortier par l’opposition.
(...) La Mission a constaté l’existence d’un « élément armé » non visé
par le Protocole et dont l’apparition (antérieure à son arrivée) a été
la conséquence de l’utilisation excessif de la violence de la part des
forces de sécurité à l’occasion des manifestations qui ont appelé à la
chute du régime. Cet élément armé agresse dans certains secteurs les
forces de sécurité syriennes et les citoyens syriens, ce qui provoque
une réaction de la part du gouvernement. Les citoyens innocents se
trouvent en étau, et en paient un lourd tribut en morts et blessés. »
(1)
Qu’est devenu ce rapport qui n’a pas été pris en compte ni par la
Ligue arabe ni par le Conseil de sécurité et d’où proviennent les
armes ? Dans les grandes lignes, le texte de l’ONU présenté mardi 31
janvier, reprend les propositions de la Ligue arabe pour mettre fin au
conflit : l’appel à l’arrêt de toutes les violences, la libération de
toutes les personnes détenues « arbitrairement », le retrait des forces
armées des villes syriennes, et enfin l’accès libre et entier aux
observateurs de la Ligue arabe. On y trouve aussi les propositions pour
une transition du pouvoir en Syrie. Bachar el-Assad est sommé de
« déléguer toute son autorité » à son vice-président, qui serait chargé
de former un gouvernement d’union nationale et de préparer des
« élections transparentes et démocratiques », sous supervision
internationale et de la Ligue arabe.
Si le texte demande également l’arrêt des violences de « toutes les
parties y compris les groupes armés [ d’opposition, Ndlr] », l’accent
est mis sur les « violations des droits de l’homme flagrantes et
généralisées » de la part des autorités syriennes. Un langage contesté
par la Russie. Moscou considère en effet essentiel d’établir une
équivalence dans la responsabilité des violences entre les autorités
syriennes et l’opposition. Les Européens et les Etats-Unis s’y refusent.
L’ambassadeur russe Vitaly Churkin, a déjà indiqué que le texte était
« inacceptable » en l’état. Du fait du forcing des pays occidentaux, il a
été mis au vote.
Pourquoi les veto russes et chinois ?
Il faut savoir que les Chinois et les Russes se sont sentis trahis
par la résolution sur la Libye qui a été pervertie et permis l’invasion
de la Libye pour éliminer physiquement El Gueddafi. Ils ont de ce fait,
fait barrage à une nouvelle aventure occidentale. Les Chinois ont
toujours prôné une solution endogène et le dialogue des parties
syriennes, en vain, car le Conseil National Syrien a reçu
« instruction » de la part d ceux qui l’ont créé de ne pas dialoguer
tant qu’El Assad est au pouvoir, ceci intéressant les Occidentaux au
plus haut point. Les Russes ont fait valoir que la résolution visait
Assad mais non ses adversaires armés. Lavrov a estimé que le texte était
partial. S’exprimant à Munich en marge de la conférence annuelle sur la
sécurité, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a reconnu
qu’il n’avait pas été possible de résoudre les différends avec la Chine
et la Russie malgré l’inscription d’un rejet explicite d’une
intervention militaire dans la résolution. Le chef de la diplomatie
russe avait mis en garde contre le « scandale » que provoquerait le vote
si le texte était gardé en l’état et a réclamé des concessions sous
peine d’utiliser son droit de veto. La Russie souhaitait notamment que
l’opposition syrienne soit condamnée au même titre que le régime pour
les violences. « Nos amendements ne réclament pas d’efforts extrêmes,
avait fait valoir Lavrov. Si nos collègues font preuve d’une approche
constructive, nous obtiendrons (...) une résolution collective au
Conseil de sécurité qui, j’en suis persuadé, sera signée par tous les
pays sans exception. »
Malgré cela les pays occidentaux ont fait le forcing en vain, les
deux grands pays que sont la Chine et la Russie se sont opposés à ce
coup de force. » Les informations (...) sur un pilonnage par l’armée
syrienne de quartiers à Homs sont fausses et sans fondement. Elles
interviennent dans le cadre d’une guerre d’information hystérique (...)
en prévision d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU », affirme le
ministre de l’Information syrienne. Les Russes et les Chinois ne sont
pas dupes des manoeuvres de l’Otan et des monarchies du Golfe. La Syrie
et l’Iran sont dans le viseur. Leur soumission ou invasion sont prévues
depuis 10 ans comme l’Irak, l’Afghanistan et la Libye. A terme, tous les
pays producteurs de pétrole seront normalisés soit à la façon des
scories royales du Golfe, soit brutalement à l’irakienne, voire à la
syrienne.
On dit aussi que la Russie serait prête à une guerre contre
l’Occident pour sauver la Syrie. Les politiques et les diplomates
étrangers se demandent pourquoi la Russie, qui a accepté l’année
dernière de ne pas bloquer la résolution sur la Libye, refuse de le
faire cette fois et est prête à aller jusqu’à la confrontation avec
l’Occident pour défendre Bachar al-Assad. La Syrie est l’un des
principaux alliés de la Russie dans le Monde arabe. Si Moscou tournait
le dos à Damas à ce moment critique, ce serait un signal pour tous les
autres partenaires indiquant qu’on ne peut pas compter sur le Kremlin.,
Damas est un partenaire commercial important de Moscou. Moscou est
préoccupée par le sort du port syrien de Tartous, base de maintenance
navale de la flotte russe. La Russie se méfie de « l’opposition
syrienne », un CNS formé de toutes pièces tournée vers l’Occident. Ses
leaders s’orientent sur les monarchies du Golfe, la Turquie et
l’Occident, mais pas sur Moscou. Enfin, Moscou estime que les Etats-Unis
et l’Union européenne mentent et rappelle le précédent libyen : les
raids aériens de l’Otan contre l’armée de Mouamar Kadhafi ont commencé
dans les jours qui ont suivi l’adoption en mars 2011 de la résolution
1973 par le Conseil de sécurité des Nations unies (2).
Que se passera-t-il par la suite ?
Il ne faut pas se cacher la réalité ! Assad doit partir dans le cadre
d’un processus endogène voulu par le peuple syrien pas en imposant un
CNS acquis corps et âme à l’Occident ! Le président Bachar al-Assad est
le premier responsable des événements actuels en Syrie. Ce qui s’est
passé à Hama est monstrueux. Seule une enquête objective permettra de
délimiter les responsabilités de chacun. Contrairement à son père, qui
savait louvoyer habilement entre l’Urss et les USA, et tirer un maximum
de profit des deux côtés, Bachar al-Assad prend des décisions trop
tardives. Toutes les initiatives démocratiques actuelles du président
syrien (l’élaboration d’une nouvelle Constitution, le pluripartisme, les
libertés politiques) arrivent tard. Il aurait pu lancer les changements
démocratiques progressifs en 2000.
Au lieu de cela, Bachar el Assad a voulu conserver le système de
gestion gouvernementale hérité de son père. Les révoltes arabes
enclenchées par l’Occident ne lui ont pas donné le temps. Quelle issue
pourrait-on pour la crise ? La situation ne retournera pas à l’état
antérieur ? Les déserteurs ne vont pas réintégrer leurs unités. Le
régime baâsiste tenait par la peur, or cette peur a disparu. Les Syriens
vont continuer à se soulever. Trop de sang a été versé. Les Russes et
les Chinois avaient exigé un addendum au texte du projet de résolution :
une condamnation par l’opposition politique type CNS de la violence des
groupes armés se réclamant d’elle.
Dans l’absolu, la Syrie ne représente rien qui puisse intéresser
l’Occident du point de vue économique mais du point de vue stratégique.
C’est le dernier verrou avant l’Iran qui est la cible de l’Occident et
d’Israël qui veut asphyxier le Hezbollah allié de l’Iran et de la Syrie,
annihilant du même coup toute résistance arabe. On lance des
allégations selon lesquelles Moscou pourrait autoriser une attaque
américaine contre l’Iran en échange de la non-ingérence de l’Occident
dans les affaires de la Syrie sont mensongères, a déclaré la Russie :
« Rien n’est plus éloigné de la vérité que l’affirmation selon laquelle
notre pays pourrait conclure un marché en coulisses et donner son feu
vert à une opération militaire américaine contre l’Iran en échange de la
non-ingérence de l’Occident dans les affaires intérieures de la Syrie.
Nous laissons ces inventions à la conscience de leurs auteurs. »
Dans ce combat de titans entre une vision impériale des Etats-Unis
qui veut avec ses vassaux garder la mainmise sur la planète et un
nouveau monde qui se dessine, cette année 2012 sera décisive. Elle
consacrera sans nul doute un rééquilibrage des influences et l’Asie n’a
pas dit son dernier mot. Cette ivresse de puissance d’un Occident qui
dicte la norme alors qu’il perd pied sur le plan économique, est
dangereuse, car les soubresauts seront dévastateurs, à moins que les
Titans et leurs vassaux européens comprennent qu’il est temps d’aller
vers la paix, seule alternative pour combattre les vrais problèmes de
l’humanité, les changements climatiques, l’addiction et l’ébriété
énergétique, la famine, voilà la conception de la dignité humaine.
Je ne peux pas terminer cette contribution sans citer ce texte
magnifique de Frédéric Soreau donnant la dimension de cette civilisation
qui risque de finir comme la civilisation mésopotamienne : « Grâce à la
richesse de son patrimoine architectural et à ses liens avec les
peuples voisins, la Syrie est le foyer et le carrefour de plusieurs
civilisations qui se sont succédé sur son territoire. Dès le IIIe
millénaire av. J.-C les cités Etats de Mari et d’Ebla sont construites
par les rois mésopotamiens. Tout au long de son histoire, la Syrie est
en contact avec les civilisations du monde entier qui vont se côtoyer et
s’enrichir mutuellement. Egyptiens, Phéniciens, Assyriens, Grecs,
Byzantins, Perses, Arabes, Turcs, Francs y construisent tour à tour des
palais, des villes, des mosquées, des églises, des châteaux et des
forteresses. De tous les sites antiques de l’ancien pays de Cham,
Palmyre, bâtie en plein désert, fut l’une des voies caravanières les
plus importantes du Moyen-Orient ». (3)
La cité de la Zénobie est un véritable chef-d’oeuvre d’architecture
qui a inspiré à partir du VIIIe siècle, les califes omeyyades et
abbassides dans la construction de mosquées et de palais. Plus tard, au
Moyen Âge, les chevaliers européens s’installent en Syrie où ils
édifient des châteaux forts pour se protéger des troupes de Saladin. De
cette époque subsistent une centaine de forteresses dont les plus
célèbres sont le Crac des Chevaliers et le château de Saône, situés dans
la région côtière. Non loin de là, sur les rives de l’Oronte s’étend la
jolie ville d’Hama qui, avec ses norias et son palais Azem, possède un
charme infini. Dans la Vallée de l’Euphrate, les sites archéologiques
sont nombreux : Doura Europos construite en bordure du fleuve. La Syrie,
c’est aussi Damas, l’une des plus anciennes villes du monde. Avec sa
grande mosquée des Omeyyades, joyau de l’art islamique, ses madrasas,
caravansérails, palais et mausolées, elle dispose d’un riche patrimoine
architectural. Sans oublier Alep, la ville où il fait bon vivre et se
perdre dans ses souks au charme enchanteur, Bosra et son magnifique
théâtre romain, la basilique Saint-Siméon, le site gréco-romain
d’Apamée. C’est surtout, partir à la découverte d’un peuple des plus
accueillants. » (3)
Que le soleil brille enfin, après tant d’épreuves pour le peuple de Syrie !
Chems Eddine Chitour
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