Marchés en folie: les lieux d'où peut partir l'étincelle
parKharroubi Habib
Ce que la revendication politique n'est pas parvenue à
provoquer en Algérie à savoir la révolte populaire contre le pouvoir en place, celle
d'essence sociale qui mobilise de plus en plus largement peut en être le
déclencheur. Les émeutes de janvier dernier ont à cet égard résonné comme un
coup de semonce pour ce pouvoir qui pour en prévenir la récidive s'est mis à
distribuer sans compter l'argent qui à vrai dire ne lui fait pas défaut. Sauf
que ses largesses accordées dans l'urgence ont pour résultat d'avoir accentué
la spirale inflationniste dont témoigne la folie dont les marchés sont le théâtre. Tout ou presque de ce qui s'y vend subit en
effet des augmentations de prix aussi vertigineuses qu'inexplicables pour une
bonne partie.
Alors si la seule hausse des prix du sucre et de l'huile a
incité les citoyens en janvier dernier à descendre dans la rue, ce qui se passe
présentement sur ces marchés a de quoi les pousser à « remettre ça ». En cette
fin d'année 2011 et malgré les largesses financières consenties par l'Etat, il
est devenu encore plus problématique pour les ménages algériens de remplir
leurs paniers des produits indispensables pour faire bouillir la marmite
quotidienne. Une angoissante préoccupation dont ceux qui en sont taraudés
imputent la cause à la démission de l'Etat. Ils ne sont pas loin par ce constat
à en arriver à la conviction que l'émeute sociale n'est pas la solution du
problème et à se faire à celle que l'Algérie a besoin d'une révolution
politique qui doit accoucher d'un changement de système.
Le pouvoir ne fait que précipiter cette prise de conscience
en démontrant de manière flagrante qu'il n'a aucune prise réelle sur ce qui
fait s'emballer les prix et désespérer les citoyens des conditions de vie
amères qui sont leur lot. Pour expliquer les hausses des prix du sucre et de
l'huile en janvier dernier, les pouvoirs publics ont pointé un doigt accusateur
sur des opérateurs économiques et promis qu'ils mettront fin aux situations de
monopole qui leur permettent d'imposer leur diktat en matière de prix sur les
marchés. Ce dont se rendent compte les consommateurs après cette promesse
officielle est qu'ils sont à la merci d'une
spéculation dont les bénéficiaires jouissent d'une totale liberté d'agir.
2012 s'annonce pour l'Algérie comme une année à haut risque
car tous les ingrédients sont réunis pour que la revendication sociale se
transforme en contestation politique. Les limites du remède que les autorités ont
administré à cette revendication sociale sont patentes et démontrent que celui-ci
n'est qu'une fuite en avant qui a aggravé la dégradation des conditions de vie
de la majorité des citoyens. L'inflation à beaucoup d'égards alimentée par des
pratiques spéculatives sans rapport avec la réalité de la loi de l'offre et de
la demande et des fluctuations des prix sur les marchés internationaux est en
train d'alourdir inéluctablement le climat social et partant
politique. Une donne qui peut tout faire basculer en Algérie et être le
déclencheur de cette étincelle que les acteurs politiques ont prédit comme
inévitable et n'ont pas pu provoquer en se cantonnant dans la revendication
politique. Le pouvoir n'a pas eu tort de présenter le bouillonnement qui se
manifeste dans le pays comme ayant une origine d'ordre social. Il a tort par
contre de croire que la paix sociale s'obtient par les recettes qu'il a
utilisées et que les Algériens s'en satisferont et resteront ainsi à l'écart de
l'agitation politique qui met en avant l'impérieuse nécessité du changement de
système et du régime.
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