Le régime veut-il encore une fois utiliser la formule intégriste ?
Plusieurs titres de la presse algérienne, et des sites web d’information
et d’opinion ont rapporté que El Hachemi Sahnouni, un ancien leader du
FIS, et Abderzak Zeraoui Hamadache, prédicateur emprisonné entre 1992 et
2003, auraient lancé une fetwa qui appellerait à la fermeture de tous
les débits de boissons alcoolisées, et inciterait les jeunes à
« manifester » par tous moyens, leur volonté d’ »éradiquer ces lieux de
débauche ».
Cette fetwa circulerait sous forme de tract. Nous n’avons pu en obtenir une copie.
Il est à souligner cependant que depuis quelques semaines, d’anciens
leaders islamistes, particulièrement les plus radicaux parmi eux,
reviennent en force sur la scène publique, et se distinguent par une
surenchère de déclarations extrémistes. Curieusement, ils sont
puissamment relayés par une certaine presse, au moment où les plus
modérés parmi les islamistes sont délibérément ignorés, comme si un
groupe occulte orchestrait une campagne, où l’épouvantail intégriste
revient sur le devant de la scène. C’est comme si un brigadier invisible
venait de frapper ses trois coups, pour un remake de ce que le pays
avait déjà vécu à la fin des années 80. Tout le monde s’affaire, les
acteurs, les accessoiristes, les costumiers, les souffleurs, les
musiciens, et même les figurants. C’est une pièce a succès, qui a déjà
fait ses preuves. Elle servira à détourner l’attention du public sur ce
qui se passe chez les voisins. Le temps que l’orage passe, et que les
producteurs, les metteurs en scène, et les vieux premiers se mettent au
vert. Le temps de se consulter dans les coulisses.
Oui, tout ça ressemble à une vraie mise en scène.
Cela ne peut être un hasard.
Des leaders islamistes de la ligne dure, se bousculent au portillon, ils
refont surface et assaut de déclarations tout aussi effrayantes les
unes que les autres. En voici quelques unes, toutes fraîches: « Nous devons soutenir nos frères talibans, et invoquer Dieu pour qu’il leur donne la victoire ».
« Ou le chemin de la réconciliation, ou celui du sang. Si rien ne passe
pas, des islamistes vont reprendre les armes et ce sera une guerre
civile totale, que nous voulons éviter. »
« Nous appelons les organisations des quartiers populaires à intensifier
leur refus des bars et des débits de boissons et à exiger leur
fermeture immédiate ».
Et au même moment, toutes les voix, y compris celles des islamistes
modérés, qui appellent à l’union de toute l’opposition, dans toutes ses
mouvances, pour chasser le régime, et instaurer un Etat démocratique,
sont l’objet d’un véritable black-out. Ils ont été relégués dans le
désert, enfermés dans un bocal, mis sous vide.
Il ne fait pas de doute que la multiplication des déclarations
extrémistes, leur synchronisation et le battage médiatique qui les
accompagne procède d’une campagne psychologique qui cherche à semer
l’effroi au sein de la société algérienne, à la diviser en deux camps
irréconciliables, et à convaincre les Algériens qu’ils courent un grand
péril, celui d’une menace intégriste imminente. L’équation subliminale
est simple en vérité. Il ne restera plus aux Algériens qu’à se réfugier
sous l’aile protectrice des « sauveurs de la république » face au
spectre islamiste, ou accepter de vivre dans un futur Talibanistan. Un
air déjà entendu, un épisode déjà vécu. Et donc, faute de trouver mieux,
en ces temps de révolutions populaires, le régime semble avoir opté
pour une solution déjà éprouvée. On prend les mêmes et on recommence.
Pourquoi changer une équipe qui gagne ? DB
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