Occupy Wall Street» (occupons Wall Street). Le mot d’ordre lancé par
les «indignés» américains est désormais suivi à la lettre dans les cinq
continents. Le temple mondial de la finance qu’abrite New York est
secoué depuis un mois par des manifestations pacifiques hostiles à un
système économique qui protège les grands banquiers et les barons de la
spéculation boursière. Le New York Stock Exchange (NYSE), Bourse de New
York, est sous haute surveillance. «Entre la sortie de métro et les
500 mètres qu’il faut marcher pour accéder au NYSE, les promeneurs sont
encadrés par une armée de policiers. Ils sont une dizaine à chaque
intersection et c’est sans compter l’omniprésence de policiers à cheval
qui patrouillent au pas», rapporte l’envoyé spécial de l’agence
canadienne Cyber Presse.
Un encadrement sécuritaire qui coûte à la ville de New York, d’après
des journaux américains, près de 2 millions de dollars par jour ! Les
citoyens américains en colère sont regroupés au Zuccotti Park, non loin
de la Bourse de New York. Pour l’heure, il leur est strictement interdit
de s’approcher du lieu sacré du capitalisme. Wall Street, une rue à
Manhattan, est même fermée à la circulation automobile. Vendredi
14 octobre, la police a arrêté une quinzaine de protestataires qui
voulaient marcher sur Wall Street. Le mouvement s’est étendu avec une
incroyable rapidité à une trentaine de villes aux Etats-Unis : Denver,
San Diego, Seattle, Los Angeles, Boston… «Il est temps de nous unir. Il
est temps pour eux de nous écouter», est le message désormais relayé
dans 82 pays où des manifestations ont eu lieu hier.
Selon le site 15october.net, créé pour amplifier le message des
«indignés», 951 villes ont répondu à l’appel de sortir dans la rue pour
s’élever contre les règles financières dominantes. «Maintenant il est
temps de nous réunir dans une protestation mondiale non violente. Le
pouvoir en place travaille au profit de quelques-uns en ignorant aussi
bien la volonté de la majorité que le prix humain et environnemental que
nous payons. Cette situation intolérable doit cesser. Unis, d’une seule
voix, nous allons faire savoir aux politiciens et aux élites
financières qu’ils servent que c’est à nous, le peuple, de décider de
notre avenir. Nous ne sommes pas des marchandises entre leurs mains ni
entre celles des banquiers, qui ne nous représentent pas», est-il
relevé.
Ce mouvement semble prendre le relais de l’action des altermondialistes
qui s’est quelque peu essoufflée. «Occupy Wall Street» entend, une fois
élargi, initier le changement mondial que les populations écrasées par
les dettes des Etats veulent. Un changement qui, selon ses promoteurs,
sera porteur de «vraie démocratie» et assurera les droits aux plus
faibles, ceux qui souffrent de la délocalisation des usines, de la
faillite des banques (un mot qu’on ne prononce plus en Europe) et de la
réduction des dépenses sociales des Etats. Hier à Rome, la police n’a
pas hésité à charger des manifestants. Certains, selon les agences de
presse, ont lancé des cocktails Molotov contre les forces antiémeute.
Une annexe du ministère italien de la Défense a été incendiée. Malgré
cela, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Rome aux
cris de : «Une seule solution, la révolution !». Le fondateur de
WikiLeaks (le site qui a révélé au monde la teneur des câbles
diplomatiques confidentiels américains), Julian Assange, s’est joint aux
«indignés» rassemblés à la City (quartier financier) de Londres. «Nous
soutenons ce qui se passe ici parce que le système bancaire à Londres
est le bénéficiaire d’argent issu de la corruption», a-t-il déclaré,
repris par l’agence AFP.
En Suisse, des centaines de personnes se sont regroupées sur la célèbre
Paradeplatz de Zurich, plaque tournante de la finance. Au Square
Victoria, à Montréal, des centaines d’«indignés» se sont retrouvés aussi
pour les mêmes revendications. «Au Québec, avec la corruption au niveau
des villes, de la province, du pays, il y a beaucoup de choses à
remanier dans notre propre cour», a souligné Éric Bouthillier, un
manifestant, cité par le journal La Presse. «Vous ne pouvez pas manger
de l’argent», est un des slogans des «indignés» australiens, sortis à
Melbourne, Sydney et Perth. Des manifestations similaires ont eu lieu au
Japon, en Corée du Sud, à Hong Kong, à Taiwan, aux Philippines, en
Nouvelle-Zélande, en Allemagne, au Brésil, au Mexique, au Koweït, en
Bolivie, en Finlande, en Russie, au Portugal, en Arabie Saoudite, en
Tanzanie, au Maroc, en Afrique du Sud… Partout, les mots d’ordre se
ressemblent : «Peuples du monde, levez-vous» ou «Descends dans la rue,
crée un nouveau monde», «Si vous ne nous laissez pas rêver, nous ne vous
laisserons pas dormir», «Que le peuple partage les richesses», «Nous ne
sommes pas des biens dans les mains des banquier ». A Alger, où il est
toujours interdit de manifester dans les rues, aucune action n’a été
entreprise.
«Nous sommes les 99%»
Les activistes de gauche parlent de «pouvoir citoyen mondial» qui
émerge et qui ira en s’élargissant. «We’re the 99%» (nous sommes les
99%) est l’un des principaux slogans fédérateurs du mouvement de
protestation qui refuse toujours de se doter de leaders. Fortement
actifs dans les réseaux sociaux (facebook, Twitter, etc.), les anti-Wall
Street estiment que 1% de la population mondiale accapare les richesses
de la planète. Selon un récent sondage, 54% des Américains approuvent
les anti-Wall Street. Un mouvement qui risque de compromettre
sérieusement les chances de Barack Obama lors des élections
présidentielles de 2012. D’après plusieurs experts, le mouvement des
«indignés», qui a démarré en mai 2011 de la place Puerta Del Sol à
Madrid, a été largement encouragé par le Printemps arabe. Un printemps
qui a donné naissance à ce que l’on peut d’ores et déjà appeler
«l’automne américain» ou peut-être même mondial. Après l’Espagne,
l’action des «indignés» s’était déplacée à la place de la Bastille, à
Paris, au square Syntagma à Athènes et à Tel-Aviv. Français et Grecs
dénonçaient les dérives spéculatives dans leurs économies internes. Les
Grecs continuent de lutter contre le plan de rigueur imposé par l’Union
européenne et le Fonds monétaire international (FMI).
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